Baudelaire, Salon de 1846. De M. Horace Vernet (doc. n° 18) :

proposition de plan pour rendre compte du texte

(commentaire composé/lecture méthodique)

 

 

 

Lien vers le texte

 

 

N.B. Les références de pages renvoient aux Œuvres complètes (O.C.) dans la collection de La Pléiade, Gallimard, 1966.

 

 

A. Pour introduire : quelques pistes

 

 

-          Baudelaire connu comme critique avant d’être reconnu comme poète.

-          La critique de Vernet antithétique de la critique de Delacroix (cf. doc. n° 17). Après le peintre adulé, le peintre honni.

-          Situation du texte : un extrait, lui-même faisant partie d’un ensemble qui s’inscrit dans une chronologie (Salon de 1846, article suivant immédiatement "Du chic et du poncif" ; ce n’est sans doute pas un hasard !).

-          La critique, pour Baudelaire se doit d’être "partiale, passionnée, politique, faite à un point de vue exclusif... ". Baudelaire successeur de Diderot ? (cf. Diderot critiquant Boucher et Chardin, cf. O.C. note de bas de page, p. 932 et doc. n° 49 et 48)

 

 

B. Développement :

 

 

q       Une critique à contre courant

 

§         Vernet, objectivement : un peintre doué et curieux, adulé de son vivant et qui brûle les étapes avec succès, occupe des postes importants. Du côté des romantiques avant de rivaliser avec Ingres pour des œuvres plus linéaires. Ni coloriste, ni linéaire, en fait. Peintre d’histoire militaire mais aussi de peinture religieuse... (cf. doc. n° 19).

 

§         Un exemple de la critique selon Baudelaire (rompt avec la tradition) : "Pour être juste, c’est-à-dire pour avoir sa raison d’être, la critique doit être partiale (c’est moi qui souligne), passionnée, politique, c’est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d’horizons... " (O.C. p. 877). Le texte se trouve être une parfaite illustration de cette définition...

 

§         Baudelaire ne voit en Vernet qu’un peintre militaire. Cf. le syllogisme sous-jacent : "je hais l’armée, or Vernet peint des sujets militaires, donc je hais Vernet... "

 

§         Baudelaire est constant dans sa critique de Vernet. Ce dernier est sa tête de turc. [Lire des passages extraits des Œuvres complètes, par exemple p. 819, 872].

 

§         Delacroix contre Vernet : montrer que Delacroix est présent sans être nommé. Rappeler que Delacroix n’était pas forcément bien perçu dans son temps.

 

q       Une critique placée sous le signe de la haine (“haine, liqueur précieuse [...] il faut en être avare”)

 

§         Inflation du mot "haïr". Reprise anaphorique (5 fois) : jamais Baudelaire n’ira aussi loin dans sa critique. De la haine de l’homme à la haine de l’œuvre (ou l’inverse ?). N’est-ce pas parce que l’homme est haï que son œuvre est rejetée en bloc ?

 

§         Les mots dépréciatifs, voire provocateurs : "art improvisé", "toiles badigeonnées", "peinture fabriquée", "masturbation agile et fréquente" (fortes connotations morales : onanisme, plaisir solitaire, stérile...), "irritation de l’épiderme français" / "vers bistournés et mal construits, plein de barbarismes et de solécismes, mais aussi de civisme et de patriotisme" (humour).

 

§         Le champ lexical du (domaine) militaire : "militaire", "roulement de tambour", "au galop", "coups de pistolet", "armée", "force armée", "guerre" [...] "boutons", "uniforme", "guêtre", "buffleteries", "le cuivre des armes", "shakos", "sabres", "fusils", "canons" (assurément plus de termes militaires que de termes renvoyant à la peinture !) ; développement d’une proposition à l’emporte pièce : "M. Horace Vernet est un militaire qui fait de la peinture", et  qui fait mouche. [Lire p. 1059]

 

§         Les raisons de cette haine ? Raisons esthétiques (art subalterne ancré dans son temps, sans postérité. Il juxtapose les anecdotes comme il écrirait un roman feuilleton. Ingénieuse mobilisation des curiosités vulgaires), mais aussi parce que Baudelaire hait la chose militaire... Peut-être des raisons aussi à chercher dans le biographique (cf. Le général Aupick, son beau père dont il dira toujours le plus grand mal, qui prend la place du géniteur, esthète et peintre, et lui "vole" sa mère).

 

§         Baudelaire justifiera autrement, plus loin sa "brutalité" : "... il n’est pas imprudent d’être brutal et d’aller droit au fait quand à chaque phrase le je couvre un nous, nous immense, nous silencieux et invisible, - nous, toute une génération nouvelle, ennemie de la guerre, et des sottises nationales ; une génération pleine de santé parce qu’elle est jeune, et qui pousse déjà à la queue, coudoie et fait ses trous, - sérieuse, railleuse et menaçante ! " (p. 928). Baudelaire dépositaire d’une sensibilité nouvelle.

 

q       De l’art de l’éreintage. Sus au chic et au poncif !

 

§         Reprendre les grandes lignes de l’article des Conseils aux jeunes littérateurs (p. 480) et illustrer avec le texte : "L’éreintage ne doit être pratiqué que contre les suppôts de l’erreur" - "Il y a deux méthodes d’éreintage : par la ligne courbe et par la ligne droite, qui est le plus court chemin" (Baudelaire utilise, dans l’extrait qui nous retient, la ligne droite !) - "Elle consiste à dire : M. X... est un malhonnête homme, et de plus un imbécile ; c’est ce que je vais prouver... " - "Un éreintage manqué est un accident déplorable... " (celui de Vernet est particulièrement "réussi" au sens où l’artiste ne s’en est jamais remis).

 

§         L’ironie au service de l’éreintage : "M. Horace Vernet" (fausse condescendance ?), "deux qualités éminentes, l’une en moins, l’autre en plus" = défauts : absence de passion, mémoire d’almanach... - "Quel immense public et quelle joie ! " - "Quel spectacle ! "

 

§         Cf. la progression qui dit assez l’anéantissement du peintre : "M. Horace Vernet... ", "Cet homme", "je le hais". Mouvement vers une dépersonnalisation qui aboutit au coup de grâce qui confirme l’inexistence : "l’antithèse absolue de l’artiste". Motif : "il substitue le chic au dessin".

 

§         Sus au chic et au poncif ! [Lire p. 925-926] : "tout ce qui est conventionnel et traditionnel relève du chic et du poncif". Dans sa chute, Vernet entraîne Béranger (plus de 20 occurrences de ce nom dans l’œuvre), Meissonier (au moins 10 occurrences)... Granet, Dedreux. Occasion, donc, de citer le texte qui précède immédiatement l’article sur Vernet. Vernet et Béranger associés encore ironiquement p. 999 : "le grand peintre et le grand poète".

 

§         Au-delà, condamnation du public qui vénère ce type d’artistes. Mépris hautain de celui qui sait.

 

§         "Une méthode simple pour connaître la portée d’un artiste est d’examiner son public. E. Delacroix a pour lui les peintres et les poètes [...] M. Horace Vernet, les garnisons... " (O.C. p. 932). Voir aussi le début du texte.

 

 

C. Idées pour la conclusion :

 

 

-          Naissance de la critique moderne ? (cf. Castex, Baudelaire critique d’art). Certains de nos actuels critiques saluent en Baudelaire un père spirituel.

-          Critique subjective et injuste qui cache peut-être un problème personnel : n’est-ce pas finalement plus l’homme que sa peinture que Baudelaire attaque ? Et pourquoi ?

-          Baudelaire : "un militaire qui fait de la critique ? " (Il tire à boulets rouges sur Vernet !).

-          Reconnaître toutefois le goût sûr de Baudelaire puisque la postérité lui a donné raison... (cf. Wagner).

-          Mais, dans quelle mesure n’a-t-il pas infléchi ce goût et ce jugement, compte tenu de son fort impact et de son rôle de "phare" dans l’histoire de la littérature et de la critique d’art ? Songer au triangle de Kandinsky, en prenant soin de l’adapter (doc. n° 37).

 

                                                                                                                                                                                            

 

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