DOC. n° 19 : Encyclopædia Universalis,
1997.
VERNET HORACE (1789-1863)
“Pour définir
M. Horace Vernet d’une manière claire, c’est l’antithèse absolue de
l’artiste ; il substitue le chic au dessin, le charivari à la couleur et les
épisodes à l’unité ; il fait des Meissonier grands comme le monde” (Salon de 1846). Horace Vernet ne s’est
pas encore relevé des fureurs de Baudelaire. L’éreintage est à la mesure du
succès que connut le peintre, mais l’injustice est évidente. On ne reproche pas
à Luca Giordano son fa presto et
Horace Vernet reste, qu’on le veuille ou non, le plus rapide, le mieux doué des
imagiers d’un siècle dont les conquêtes et les expéditions militaires
alimentèrent le besoin d’exotisme.
Héritier
talentueux d’une dynastie de peintres tout-puissants, d’un tempérament
enthousiaste et énergique, Horace Vernet brûle les étapes du succès. Il n’a
point besoin du prix de Rome pour être élu à l’Institut en 1826, diriger la
villa Médicis de 1828 à 1835, s’installer comme le narrateur officiel des
gloires de tous les régimes, tout en restant le libéral qu’il fut sous la
Restauration. Sa formation et ses goûts n’ont en fait rien d’académique. Son Mazeppa et les loups (1826, musée
Calvet, Avignon), sa Barrière de Clichy (1820,
Louvre), évocation de la défense de Paris en 1814, dont son ami Géricault copia
un personnage, le placent nettement du côté des romantiques. Ce n’est que plus
tard, après son premier voyage en Italie en 1820, qu’il donne des œuvres plus
linéaires qui veulent rivaliser avec Ingres (Raphaël au Vatican , 1832, Louvre) et qu’il s’inscrit, entre
les coloristes et les linéaires, dans le parti du milieu, également illustré
par son gendre Delaroche.
La vocation
de Vernet est la peinture d’histoire militaire. Qu’il évoque les batailles
napoléoniennes, les “hauts faits” des campagnes d’Algérie où il suivra les
corps expéditionnaires, la guerre de Crimée, il apparaît dans ces pages de très
grand format, pour la plupart conservées à Versailles, comme un narrateur
fidèle sinon pointilleux, mais assurément rapide, qui sait à merveille suggérer
la diversité des événements et des péripéties et en tirer de courtes leçons
patriotiques. La Prise de la smala d’Abd
el-Kader (Salon de 1845, musée du Louvre), par son immensité, par son
refus de centraliser l’attention comme par l’égalité d’un métier qui répugne à
soumettre le détail à l’ensemble, apparaît encore comme le chef-d’œuvre du
réalisme analytique.
Dans son
souci de vérisme, Horace Vernet eut aussi l’ambition de renouveler la peinture
religieuse. Il écrivit un mémoire sur Les
Rapports qui existent entre le costume des anciens Hébreux et celui des Arabes
modernes, où il insiste sur l’identité des mœurs actuelles et passées d’un
monde figé. Abraham renvoyant Agar et
Ismaël (musée de Nantes), Juda
et Thamar (Wallace Collection,
Londres) sont en fait des scènes bédouines de l’Algérie moderne. Mais il y
avait là un facteur de renouvellement de l’iconographie religieuse, qui sera
celui que pratiquaient Doré et surtout Alexandre Bida, dans une recherche
proche des institutions de Renan ; encore un trait du modernisme de ce peintre
peut-être trop facile, mais éminemment doué et curieux.
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