DOC. n° 25 : Roger de PILES. Cours de peinture par principes, 1708.
DU DESSIN
Le mot
de dessin, par rapport à la peinture, se prend de trois manières : ou il
représente la pensée de tout l'ouvrage avec les lumières et les ombres, et
quelquefois avec les couleurs mêmes, et pour lors il n'est pas regardé comme
une des parties de la peinture, mais comme l'idée du tableau que le peintre
médite ; ou il représente quelque partie de figure humaine, ou quelque animal,
ou quelque draperie, le tout d'après le naturel, pour être peint dans quelque
endroit du tableau, et pour servir au peintre comme d'un témoin de la vérité,
et cela s'appelle une étude ; ou bien il est pris pour la circonscription des
objets, pour les mesures et les proportions des formes extérieures, et c'est
dans ce sens qu'il est une des parties de la peinture.
Si le
dessin est, comme il est vrai, la circonscription des formes extérieures, s'il
les réduit dans les mesures et dans les proportions qui leur conviennent, il
est vrai de dire aussi que c'est une espèce de création, qui commence à tirer
comme du néant les productions visibles de la nature, qui sont l'objet du
peintre.
Quand
nous avons parlé de l'invention, nous avons dit que cette partie dans l'ordre
de l'exécution était la première. Il n'en est pas de même dans l'ordre des
études, où le dessin doit s'apprendre avant toute chose.
Il est
la clef des beaux-arts ; c'est lui qui donne entrée aux autres parties de la
peinture, l'instrument de nos démonstrations, et la lumière de notre
entendement. C'est donc par lui que les jeunes étudiants doivent non seulement
commencer, mais c'est de lui qu'ils doivent contracter une forte habitude, pour
acquérir avec plus de facilité la connaissance des autres parties dont il est
le fondement.
Le
dessin étant donc le fondement de la peinture, on ne saurait prendre trop de
soin pour le rendre solide, et pour soutenir un édifice composé d'autant de
parties qu'est celui de la peinture.
Ainsi je tâcherai d'en parler avec tout l'ordre que demande une connaissance si nécessaire.
Je
regarde dans le dessin plusieurs parties d'une extrême nécessité à quiconque veut devenir habile,
dont voici les principales : la correction, le bon goût, l'élégance, le
caractère, la diversité, l'expression et la perspective. [...]