DOC. n° 1 : Paul VERLAINE, Fêtes galantes, 1869.

 

CLAIR DE LUNE

 

Votre âme est un paysage choisi

Que vont charmant masques et bergamasques

Jouant du luth et dansant et quasi

Tristes sous leurs déguisements fantasques.

 

Tout en chantant sur le mode mineur

L'amour vainqueur et la vie opportune,

Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur

Et leur chanson se mêle au clair de lune,

 

Au calme clair de lune triste et beau,

Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres

Et sangloter d'extase les jets d'eau,

Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.

 

PANTOMIME

 

Pierrot, qui n'a rien d'un Clitandre,

Vide un flacon sans plus attendre,

Et, pratique, entame un pâté.

 

Cassandre, au fond de l'avenue,

Verse une larme méconnue

Sur son neveu déshérité.

 

Ce faquin d'Arlequin combine

L'enlèvement de Colombine

Et pirouette quatre fois.

 

Colombine rêve, surprise

De sentir un cœur dans la brise

Et d'entendre en son cœur des voix.

 

MANDOLINE

 

Les donneurs de sérénades

Et les belles écouteuses

Echangent des propos fades

Sous les ramures chanteuses.

 

C'est Tircis et c'est Aminte,

Et c'est l'éternel Clitandre,

Et c'est Damis qui pour mainte

Cruelle fait maint vers tendre.

 

Leurs courtes vestes de soie,

Leurs longues robes à queues,

Leur élégance, leur joie

Et leurs molles ombres bleues

 

Tourbillonnent dans l'extase

D'une lune rose et grise,

Et la mandoline jase

Parmi les frissons de brise.

 

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