Histoire des Arts – DEUG 1
CM “Passerelles : littérature, peinture, musique”
Epreuve de mai 2002 (corrigé)
(On retiendra que les quelques images visibles au fil de ces corrigés ont été intégrées à des fins strictement pédagogiques et qu'elles ont fait l'objet d'autorisations circonstanciées auprès des musées concernées et des collections privées, le cas échéant. Certains clichés sont en outre la propriété de l'auteur de ces lignes mais peuvent être utilisés à ces mêmes fins pédagogiques)
1) Identification
de l’auteur du tableau et des différents personnages y figurant (8 points) :
Auteur : Joseph Danhauser. Titre du tableau : En souvenir de Liszt.
2) César Franck et Franz Liszt ont composé tous deux un poème symphonique à partir d’un même poème de Victor Hugo. Pouvez-vous en donner le titre, et, éventuellement, préciser le recueil d’où est tiré ce poème ? (2 points)
Il s’agit de Ce qu’on entend
sur la montagne, extrait du recueil Feuilles
d’automne.
3)
Identification du
titre et du compositeur de cinq extraits provenant des exemples musicaux
diffusés à l’occasion du cours de cette année (10 points)
Extrait n° 1 : Guitare ("Comment disaient-ils…") de Georges Bizet – Extrait n° 2 : "Oh ! quand je dors…"
de Franz Liszt – Extrait n° 3 : Stille
Nacht pour violon et piano d’Alfred Schnittke – Extrait n° 4 : Mazeppa (poème symphonique) de Franz
Liszt – Extrait n° 5: La Dixième
symphonie de Beethoven de Pierre Henry
4)
Victor Hugo tirera
lui-même un livret de son roman Notre
Dame de Paris. Pouvez-vous donner le nom de l’auteur de la musique composée
sur ce livret et préciser le titre de l’œuvre en question ? (2 points)
Il s’agit de Louise Bertin, auteur de l’opéra La Esmeralda.
5)
Lors d’une des
répétitions, en 1831, d’un opéra de l’auteur du Freischütz, Victor Hugo va rencontrer Paganini qui lui laissera une
très forte impression. "C’est
par lui, dira-t-il vingt ans plus tard, que la musique m’a été révélée". Donnez le titre de cet opéra et le
nom du compositeur concerné. (2 points)
Il s’agit d’Euryanthe de
Carl Maria von Weber dont nous avions entendu le chœur des "chasseurs égarés dans les bois".
6)
Pourriez-vous, à
grands traits (huit à dix lignes), résumer la légende qui inspirera à Franz
Liszt le plus populaire de ses poèmes symphoniques, Mazeppa ? (4 points)
D’abord personnage historique (1639 ?-1709), Ivan Stepanovitch
Mazeppa devient vite un personnage de légende qui inspire nombre d’artistes,
qu’il s’agisse de poètes, de peintres ou de musiciens. Liszt élabore à partir
du poème de Victor Hugo, lui même inspiré et du peintre Louis Boulanger et
du poète Byron, un poème symphonique. Le héros, surpris en compagnie de la
jeune femme d’un magnat polonais est condamné par ce dernier à être attaché
nu sur un cheval sauvage qui est lancé au galop dans la steppe ukrainienne.
Après une course folle, le cheval tombe mort d’épuisement et Mazeppa est recueilli
par des cosaques qui l’élisent pour leur chef (hetman)… Voir le cours en ligne
[cliquer ici pour y accéder]
7)
En 1977 est créée à
Lille une "action de voix, de
sons et de gestes" tirée d’un
poème inachevé de Victor Hugo. Quel est le titre du poème et de l’œuvre
musicale ? Quel en est le compositeur ? (2 points)
Il s’agit de Dieu de
Pierre Henry.
*
8)
Dans
Lumières sur les Fêtes galantes de Paul
Verlaine, Jacques-Henry Bornecque écrit : "Il est [il s’agit du
poème intitulé "Cortège"], à un détail près, la transcription colorée
de l’eau forte 28 du recueil de Dinaux [gravure de W. Marks d’après Watteau],
intitulée Le Baisé rendu. Le
négrillon attentif et libidineux est là, soulevant la robe ; et, si le
singe de la gravure est immobile, son petit museau malin demeure, comme dans le
poème verlainien, tourné vers sa belle maîtresse. "
En vous appuyant sur la mise au point proposée cette année en cours, comment vous situeriez-vous par rapport à ces propos ? Synthèse attendue en quinze/vingt lignes. (10 points)
Il conviendra de vous référer
au cours mis en ligne et plus particulièrement à la partie intitulée :
"cortège"
: de la piste iconographique et de ses limites [cliquer ici]. Dire en substance que si, effectivement, gravure
et poème peuvent être rapprochés, ce rapprochement a ses limites car un examen
attentif et rigoureux exclut la présence d’un singe - n’en déplaise
à Bornecque - dans la gravure de Marks. Il s’agit tout simplement d’un chien,
comme il en est tant dans les peintures de Watteau, Pater ou Lancret. Bornecque
– et d’autres universitaires après lui – projette sur la gravure son désir
de voir coïncider poème et possible source iconographique. Comme l’écrit Daniel
Arasse dans un autre contexte : il a été "pris à son désir d’établir
la validité de son intuition par la force et l’ordre des mots"… "En
nommant le [singe], il s’est trompé de désir : c’est le sien qui a donné
nom et forme au détail" (Le détail.
Pour une histoire rapprochée de la peinture). Si Verlaine a été dans l’impossibilité
de voir au Louvre, avant 1869, autre chose que le Pèlerinage à l’Isle de Cithère, il a pu
prendre connaissance de l’œuvre de Watteau par le truchement de gravures et
d’ouvrages parlant de sa peinture, et éventuellement à l’occasion de l’exposition
de la galerie Martinet de 1860, dont Théophile Gautier a rendu compte. Comme
sources livresques on retient l’ouvrage des frères de Goncourt (L’Art du XVIIIe siècle – 1860),
celui de Charles Blanc (Les Peintres
des fêtes galantes – 1854). En ce qui concerne les sources iconographiques
on signale les gravures ordonnées par l’ami de Watteau, de Jullienne (1835)
- dont les Goncourt possédaient au moins un exemplaire que Verlaine aura pu
feuilleter -, et encore celles de William Marks "d’après Watteau"
(1850). Verlaine connaissait incontestablement bien la peinture de Watteau
et l’on peut penser qu’à l’origine de "Cortège" il y aura eu la
fameuse gravure de Marks déjà évoquée, qui offre de curieuses parentés avec
Les Charmes de la vie, au moins
d’un point de vue structurel. Le singe est peut-être à aller chercher, quant
à lui, dans un petit tableau conservé au musée des Beaux-Arts d’Orléans et
intitulé Le Singe sculpteur qui
se trouve illustrer notamment les vers : "Le singe ne perd pas des
yeux / La gorge blanche de la dame…". Comme l’écrit Jacques Borel dans
sa présentation des Œuvres complètes
de Verlaine ("La Pléiade") : "ni description, ni transcription
; ces images, furtivement saisies, et plus en rêverie déjà qu'en contemplation,
elles sont aussitôt descendues dans l'intime de l'être, elles se sont aussitôt
confondues avec ce songe intérieur auquel elles répondaient. C'est le songe
et rien d'autre qui fait trembler la parole du poète. L'œuvre est là qui bouge,
tournoie, se défait, plastique et musique, art personnel désormais et irréductible
à tout autre."
*
9) Apparemment il n’y a aucun rapport entre les deux œuvres reproduites ci-dessous, et pourtant… (10 points).
La reproduction de gauche constitue la 40e
"variation" exécutée par Picasso en 1957 (17-X), dans son atelier de
"La Californie", à partir des Ménines
de Velázquez (1656). Si rapport il y a entre les deux toiles, il est moins
explicite que dans d’autres variations qui "interrogent" elles aussi,
en les déconstruisant, divers personnages et divers motifs de la toile célèbre
(principalement l’Infante Margarita). Picasso isole cette fois la jambe du nain
Nicolas de Pertosanto posée sur le dos du mâtin. L’espèce de
"jarretière" qui enserre le bas de la cuisse, à hauteur du genou, ne
fait aucun doute quant à la source. On retrouve le motif stylisé et transformé
dans la toile inachevée de Picasso représentant sans doute Jacqueline au piano.
Irruption de la vie quotidienne et de l’environnement immédiat du peintre dans
la toile, tout comme pour les petites huiles représentant des pigeons et
quelques arbres vus par la fenêtre (variations n° 25 et 26, 54 et 55, par
exemple). Sortes de "respirations" venue ponctuer un travail acharné
qui durera quatre mois (voir à ce sujet le texte de Sabartes cité dans la
bibliographie du cours : Picasso,
les Ménines et la vie). On reconnaît par ailleurs le motif de la porte
entrouverte, à moins qu’il ne s’agisse du miroir où, dans la toile de
Velázquez, le couple royal se reflète. Les deux bougies qui sont censées
éclairer la partition peuvent être perçues comme un écho des deux lustres
visibles au plafond de la salle peinte par Velázquez…