"Passerelles" : présentation du cours

 

 

"Passerelles" est une option ouverte à toutes les sections (D.E.U.G. 1 & 2). Comme son intitulé complet l'indique, il y sera question de ménager, autant que faire se peut, des ponts entre les lettres, les arts plastiques et la musique. Ce type d'approche pluridisciplinaire est manifestement dans l'air et l'on voit, depuis quelques années, fleurir toute une littérature sur la question tandis que certaines universités (rares encore) proposent une formation en ce sens dans les cursus. Il se trouve en outre que l'approche que suppose ce type de cours semble répondre à l'attente de nombreux étudiants désireux, d'une part, de décloisonner leur discipline de spécialité, d'autre part, de combler une lacune de l'enseignement qui leur a été dispensé durant les années qui précèdent immédiatement l'université et qui s'est souvent assez peu préoccupé, pour de multiples raisons – même si les choses se sont considérablement améliorées -, d'ouvrir sur des domaines jugés alors secondaires, à savoir la musique, les arts plastiques, le cinéma ; ces ouvertures n'étant destinées en seconde, première et terminale qu'aux futurs spécialistes. Un sondage réalisé à l'issue d’un cours dispensé il y a deux ans me conforte dans mon analyse, montre le bien fondé de l'entreprise, et m'encourage à poursuivre mon action.

Je tiens à préciser qu'on a souhaité - même si la publicité n’a pas été tapageuse - que les étudiants auxquels le présent cours est proposé viennent des horizons les plus divers. Si les plasticiens et historiens de l'art et les musiciens/musicologues y ont naturellement leur place (avec, il va sans dire, les littéraires), la présence des philosophes, linguistes et historiens, pourvu qu'ils soient partisans de la démarche humaniste qui sera la mienne, sera vivement appréciée.

Revenons un peu sur le titre avant d'évoquer les parcours que je pense proposer cette année. C'est un titre qui invite à la glose. "Passerelles : poésie, peinture, musique", ou "Poésie, peinture, musique : passerelles"... Comme il vous plaira. Ç'aurait pu être "échos" ou "correspondances", aussi bien que "passerelles", "échos" évoquant aussi bien, dans mon esprit, le réfléchissement du miroir (domaine iconique) que celui de la paroi qui renvoie le son (domaine musical). Un récent livre qui traite des questions qui nous retiendront pendant le cours s'intitule d'ailleurs : Miroirs de la musique. La musique et ses correspondances avec la littérature et les beaux arts (1800-1950). En voici le "programme" ou, si l’on préfère, la déclaration d’intention de François Sabatier, l’auteur de l’ouvrage :

 

  Justifier l’évolution de la musique au cours du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle à la lumière de son environnement artistique et littéraire : telle est l’ambition de cette étude.

  Une manière de sortir enfin la musique de l’isolement dans laquelle la rejette, soit par ignorance, soit par indifférence, toute une classe intellectuelle, permettant de mettre ainsi au jour les liens très forts qui l’unissent aux autres disciplines artistiques.

  Sans être assimilable à une Histoire de la musique au sens classique du terme pas plus qu’à une Histoire de l’art ou de la littérature, ce livre propose, par le biais d’un cheminement à travers les grands courants esthétiques qui ont marqué la période 1800-1950, une réflexion sur les correspondances possibles entre la technique ou l’esthétique des compositeurs et celles des peintres, des architectes ou des écrivains d’une époque donnée.

  Quelles affinités entre l’art d’un Delacroix et celui d’un Berlioz ? Quelles analogies entre l’inspiration de Goya et celle de Beethoven, entre l’univers de Nerval et celui de Schumann ? Quels rapprochements établir entre Rodin et César Franck, entre Klimt et Malher ou plus près de nous entre Stravinsky et Picasso, Kandinsky et Schoenberg ou encore entre Duchamp et Varèse ? Ce sont, parmi beaucoup d’autres, quelques-uns des jeux de miroirs éclairants qu’offre ce livre riche d’aperçus nouveaux.

  Romantisme, réalisme, impressionnisme, symbolisme, expressionnisme, japonisme, futurisme, cubisme, néoclassicisme, exotisme, primitivisme, surréalisme constituent les étapes marquantes de ce panorama musico-culturel. Jalonné de nombreux tableaux synthétiques, cet ouvrage tente de répondre au désir grandissant du public d’élargir son champ de vision de l’art à l’ensemble de ses expressions.

 

On songera aussi particulièrement à l’ouvrage de Gérard DENIZEAU : Musique et Arts, Champion, 1995 ; à ceux de Françoise Escal (voir bibliographie).

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Ouvrons un dictionnaire : "passerelle jetée sur un abîme...". “Abîme qui sépare des domaines habituellement clos l'un à l'autre..." Permettre le lien, la communication, le parcours, le va et vient... Retenir aussi le sens métaphorique : "passage", "pont"... Le sens, encore, de "plan incliné par lequel on accède à un navire..." Invitation au voyage...

Une invitation au voyage, de fait. A partir de l'œuvre littéraire (et toujours à partir d’elle), une promenade que je qualifierais volontiers de buissonnière (connotation de liberté) - ce qui n'exclut pas la rigueur. Regarder en amont autant qu'en aval, à droite, à gauche (à bâbord et à tribord, pour filer la métaphore !), ou encore regarder d'où l'on vient et où l'on va à partir du point où l'on se trouve.

Il y a aussi dans le mot "passerelle", au delà de l'idée de franchissement du difficilement ou dangereusement franchissable - voire de l'infranchissable -, au-delà de la réunion qu'elle permet, l'idée de précarité, de fragilité (cf. valeur du diminutif)... Une passerelle n'est pas exactement un pont. Elle est moins qu'un pont. Elle suppose plus de risques. Certaines "correspondances" que nous serons amenés à établir comportent peut-être, somme toute, quelques risques, tant il est difficile, par exemple, de mettre en relation poème et musique, appartenant l’un et l’autre, comme nous pourrons le voir dans certains parcours, à deux domaines apparemment irréductibles l’un à l’autre (cf. travaux de Nicolas Ruwet, notamment).

Pour cette année universitaire 2001-2002, je n’ai pas encore tout à fait arrêté mes choix. Cela dépend un peu des étudiants inscrits et des attentes... En ce mois de janvier 2002, un parcours s’impose toutefois qui nous permettra, à notre façon, d’évoquer la figure de Victor Hugo. J’ai choisi de célébrer le grand homme sous l’angle de la musique, tout en faisant un petit détour par le Victor Hugo plasticien, précurseur de bien des démarches systématisées au XXe siècle (tachisme, "paysagisme abstrait", décalcomanies surréalistes, sollicitation du hasard…).

Un deuxième parcours pourrait se concevoir autour d’un poème de Verlaine, un poème de Fêtes galantes parmi les moins commentés, "Cortège", mais trouvant sa probable source dans un tableau perdu de Watteau (ou de Pater), connu seulement par une gravure de William Marks (1850), ainsi qu’un prolongement chez Debussy. Un titre possible à ce cours : "Du ‘Baisé [sic] rendu’ de Watteau/Marks à ‘Cortège’ de Verlaine : recherche d’un itinéraire".

Enfin, et ce sera notre plus gros "morceau", je souhaiterais vous proposer un parcours substantiel autour des Meninas de Velázquez. "Variations sur les Ménines de Velázquez : de Palomino à Internet". Les Meninas de Velázquez y seront abordées dans leur contexte et pour elles-mêmes, mais également dans leurs avatars chez les peintres (Goya, Manet, Picasso, Dalí, Equipo Crónica, Braun-Vega, par exemple) et leur "écho" chez critiques et écrivains (Foucault, Damisch, Didi-Huberman, Arasse, etc.). Sans oublier les avatars sur la "Toile" (Web), qui nous réservera quelques surprises. Occasion d’aborder parallèlement le genre de la variation dans son acception musicale et dans sa spécificité espagnole (cf. genre de la diferencia). Occasion, aussi, d’évoquer la musique au temps de Velázquez, de Goya, de chercher encore, chez un Stravinsky, par exemple, ou un Schnittke, des équivalents musicaux aux "variations" picturales réalisées par Picasso, en 1957 à partir du célèbre tableau de Velázquez…

Il nous faudra trouver le temps encore, si nécessaire, de faire un peu de méthodologie pour vous préparer à la réalisation du petit dossier nécessaire à la validation de l’option.

Il reste que ce type de parcours suppose chez l'étudiant un réel goût pour toutes les questions esthétiques et une connaissance élémentaire de l'histoire des arts et de la notation musicale. Pour ce qui est de cette dernière, savoir différencier une noire d'une croche, savoir déterminer la nature d'une mesure (ternaire ou binaire), savoir distinguer un bémol d'un bécarre, ou d'un dièse... semble pouvoir suffire. Un rapide rappel pourra être fait très tôt si le besoin s'en fait également sentir. Me le faire savoir.

Pour revenir à la validation de cette option, l'étudiant aura, d'une part, à constituer un dossier personnel, d'autre part à se soumettre à une épreuve de fin de semestre (en mai) proposée sous la forme d'un questionnaire (mais pas un Q.C.M. !) portant sur l'ensemble du cours, dans sa diversité. Il va sans dire que le cours réclame une certaine assiduité.

En ce qui concerne le dossier, tel étudiant pourra souhaiter réfléchir, par exemple, sur les rapports entre Debussy et les beaux-arts, tel autre sur l'incidence de certains tableaux ou gravures sur la poésie de Baudelaire ; tel autre, encore, sur les parcours étonnamment parallèles de Delacroix et de Berlioz ou de Nerval et de Schumann. Les possibilités sont multiples pourvu que le dossier touche à au moins deux domaines : littérature et musique, musique et peinture, peinture et littérature, etc. Les illustrations (tant musicales - cassettes ou CD gravés - que picturales - quelques photocopies-couleurs souhaitées) sont indispensables et devront être jointes au dossier. La bibliographie que je fournis, dans son incomplétude volontaire (peut-on être exhaustif dans ce domaine qui s’enrichit chaque jour ?), définit des champs parfaitement exploitables que vous pouvez, bien entendu, élargir à votre gré. Il sera apprécié que le dossier (une dizaine de pages devrait suffire) soit dactylographié. Il n'est pas trop tôt pour vous familiariser avec un traitement de texte. Ce qui n'est pas encore une exigence le deviendra très vite pour ceux qui continueront dans la voie universitaire. Je reviendrai, en son temps, sur les détails techniques de mise en page et de présentation. Je rappellerai aussi les critères d'appréciation des dossiers personnels. Sachez d’ores et déjà qu'ils sont au nombre de cinq, appréciés chacun sur 10 points :

1.      Respect des consignes données (nombre de pages demandées, organisation/structuration du dossier, annexes, présence d'une bibliographie, mise en page, etc.).

2.      Présence d'une problématique et appréciation de sa pertinence.

3.      Originalité du sujet retenu et de la démarche suivie.

4.      Correction de la langue (syntaxe, lexique, respect de l'orthographe...).

5.      Aspect matériel, choix et qualité des illustrations...

 

Un total de 50 points, donc, sachant que les questions de cours seront également appréciées sur 50. Il est relativement aisé d'obtenir la moyenne à l'un et l'autre de ces exercices. A titre d'information, sur les 50 étudiants ayant honoré leur inscription en 95-96 – date de la création du cours -, près de 40 ont obtenu 25 ou plus à leur dossier sans connaître mes critères d'appréciation (jusqu'à 44/50). En ce qui concerne les questions, le succès est assuré pour les étudiants assidus. J'ai eu à déplorer certaines années l’échec de quelques sympathiques "touristes" qui pensaient pouvoir improviser. Mais les cas sont restés rares.

A titre d'information, encore, voici quelques exemples de sujets retenus par vos collègues les années passées. Statistiquement, pratiquement 20% se sont intéressés au rapports entre Baudelaire et les peintres de sa génération (à éviter, peut-être, à moins de renouveler l'approche) ; 8% des dossiers ont été consacrés au mythe d'Orphée ; 6 au mythe de Faust. On relève par ailleurs des dossiers sur le mythe de Salomé, celui de la Lorelei ; Eluard et ses peintres ; Zola et Courbet ; Verlaine et Debussy ; Reverdy et le cubisme ; Klimt et Beethoven ; Schoenberg et Kandinsky ; Apollinaire et Picasso, Mallarmé et Debussy : l'Après midi d'un faune... Ajoutons en d'autres, particulièrement originaux : la redécouverte du personnage d'Ophélie au XIXe siècle : Banville, Delacroix et Berlioz ; les sirènes et leurs avatars dans la littérature, la peinture et la musique ; Rossetti et Debussy...

 

Autres suggestions :

·        Rapports musique et littérature dans A la recherche du temps perdu de Proust

·        Le couple Eluard/Poulenc

·        Klee/Boulez

·        Mallarmé/Debussy/Degas

·        Baudelaire et Goya

·        Evolution d'un "motif" littéraire (poésie, peinture, musique : exemple d’un thème déjà traité : "le signe lent du cygne blanc")...

·        Théâtre et opéra : Wagner - Dom Juan/Don Giovanni - Le Roi s'amuse/Rigoletto - Othello : Shakespeare et Verdi... - Pelléas et Mélisande : de Maeterlinck à Debussy.

·        Balzac et les arts...

 

Pour d’éventuels hispanistes (à transposer pour les anglicistes, germanistes, etc. ) :

·        Alejo Carpentier et la musique (cf. Concierto barroco, Los pasos perdidos, El acoso, El arpa y la sombra...)

·        La musique dans l'œuvre de Cervantes

·        El Retablo de Maese Pedro : de Cervantes à Manuel de Falla

·        Le romance chez les musiciens du Siècle d'or (poésie et musique)

 

J’achèverai cette présentation en insistant sur le fait que ce cours doit vous offrir la possibilité d’être créatifs. J’ai pu apprécier au fil des années des dossiers vraiment originaux dans leur présentation : coffrets en bois ou en carton aux systèmes d’ouverture parfois ingénieux ; dossiers en éventails présentés à la japonaise, à déplier sur une grande table ; un dossier sur Hamlet auquel on ne pouvait accéder qu’en tournant une tête de mort vissée sur le couvercle ; un autre sur le cubisme présenté dans une guitare faite de bric et de broc, à la manière d’un Picasso… J’en passe et des meilleurs.

 

Quelques adresses Internet utiles :

Pour la peinture, les gravures, voyez les adresses que je propose dans le cadre de mes TD. [Cliquez ici]

Pour la musique, un remarquable site où vous trouverez quantité de fichiers MIDI, qui ne sauraient remplacer les MP3, mais qui mérite un détour attentif.

Voyez aussi ce site consacré aux textes des mélodies et lieder.

Cet autre où vous pourrez trouver des œuvres entières à télécharger pour votre usage personnel.

Ce n’est là qu’un maigre aperçu et vous n’êtes pas au bout de vos découvertes si vous voulez utiliser ce nouveau moyen d’investigation tout en restant respectueux des droits des auteurs.