DOC. n° 28 : Edmond JABES, Un regard, 1992.

 

 

MARIA ELENA VIEIRA DA SILVA

 

            Y a-t-il, pour Vieira da Silva un lieu ?

 

            Il y avait un lieu. C'est dans ce "il y avait" qu'elle se situe ; dans cette absence à explorer, qui est une réalité autre.

 

            Je regarde et je ne vois, d'abord, rien et puis, je vois dans ce Rien, comme un édifice.

 

            Peut-on bâtir sur le Rien, dans le Rien ?

           

            Nous sommes au cœur de la transparence. Nous l'ignorions.

 

            Cette transparence, à notre insu, se veut miroir.

 

            Le miroir, à son tour, sous nos yeux étonnés, se brise.

 

            Ne voyons-nous plus que ses brisures ?

 

            Ce sont des traits d'oubli. L'oubli a sa mémoire.

 

            La mémoire du Rien ; justement de ce rien sur lequel repose l'édifice.

 

            Je lis la légende : Jardins suspendus. Etait-ce donc cela qu'il fallait voir ? L'image secrète de ce qui n'est plus que le secret d'une image ?  Ce secret qui est, lui-même, miroir ?

 

            Miroir brisé. Secret brisé.

 

            Ne voyons-nous que la brisure d'un secret ?

 

            Je relis la légende : Jardins suspendus.

 

            Est-ce possible que la couleur puisse, à ce point, rivaliser avec le parfum ?

 

            Couleur du secret, d'avant et après le secret.

 

            Couleurs des horizons de l'œil.

 

            Porté par l'éternité, repoussé par la mort.

 

            Qu'est-ce qui a souffert, qu'est-ce qui a rayonné, qu'est-ce qui a saigné ?

 

            Qu'est-ce qui a été saisi de cet insaisissable ?

 

            De "il y avait" à "il y a" tout le trajet de Vieira da Silva.

 

 

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